Mon traître, de Sorj Chalandon (2007)



Mon traître est un roman de Sorj Chalandon publié en 2007. Il évoque la question de l'Irlande du Nord, une province divisée par ses résolutions pacifiques et sa perpétuelle envie de résister à l'Angleterre dont elle rejette la souveraineté sur son territoire. Au-delà du contexte politique et religieux, le roman propose de centrer notre regard sur l'amitié qui découle entre deux hommes. Il s'agit d'Antoine, un luthier parisien et narrateur du roman et de Tyrone Meehan, un nationaliste irlandais, le traître qui sera exécuté par l'IRA en 2006. 

 

La confiance se brise au sein de l'amitié Antoine-Tyrone. Il a trahi sa femme, ses fils, ses amis, celui qu'il appelle "mon fils", celui à qui il a appris à "pisser". Ils partageaient un amour respectif pour l'Irlande et ses paysages époustouflants, ses quartiers pauvres, sa musique, ses pintes, ses pubs, ses rires, la fierté de ses habitants, l'Irlande de l'IRA, de ses résistants et de ses amitiés fortes.

 

Le titre du roman est profondément puissant car c'est au cœur de cette relation nominale que se dessine le lien qui unit Antoine à son ami. C'est là que se joue la présence d'un paradoxe dans le récit : comment devient-on un traître ? Le narrateur cherche des réponses, il aborde de nouvelles façons de considérer la trahison, essentiellement celle de son ami. 

 

Antoine n'apprend la nouvelle que des années plus tard dans les journaux. À cet instant précis, la temporalité narrative est brouillée au sein du récit, elle incarne la profonde fragmentation de l'amitié Tyrone-Antoine. La place centrale qu'occupe l'oralité dans le roman met au jour l'impuissance des mots dans un tel contexte. Si elle se tient aux antipodes de l’écrit, l’oralité semble exercer une présence remarquable dans Mon Traître : langue locale, langage populaire, usage abondant de dialogues et codes particuliers s'ajoutent au récit pour manifester la profonde fragmentation d'Antoine avec son intériorité. La diégèse du roman, apparemment fondée par instants sur le postulat mimétique du théâtre, laisse au personnage le moyen de s'exprimer dans un langage qui se veut au plus proche de la réalité, lorsque le sens est impossible à saisir par les mots. Comme le théâtre et ses soliloques, le narrateur peut bénéficier d'un lien privilégié avec le lecteur. 

 

 

"Je ne respirais pas. J'avais la bouche en liège. Le ventre en caverne. Ma tête battait. La neige avait cessé. La rue ne murmurait plus rien. J'étais assis, mains entre les cuisses. J'avais froid. Jamais, je n'ai eu aussi froid. La lumière éteinte. J'étais mon ombre, dos voûté, tête basse, bouche ouverte. Je sentais mon cœur. J'étais sans souffle." 

 

Ce roman offre une réflexion substantielle sur la quête d'identité et l'amour inconditionnel de la cause nationaliste. Mon traître sonne a priori comme un récit imbriqué qui part du plus général pour toucher à l'histoire la plus intime du narrateur. Dans ce récit sur l'art de se reconstruire face à la trahison, Sorj Chalandon conjugue magistralement le deuil, la perte, l'identité, la passion, le souvenir, le questionnement et la nature humaine pour nous laisser sur une fin miroitante : il faudra lire Retour à Killybegs pour comprendre les raisons qui ont poussé Tyrone Meehan à trahir la cause. 

 

 


 

MON TRAÎTRE BY SORJ CHALANDON

2007

 

 

 

Written by Josephine B. Simone P. Heaney








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